Édito

Ce texte est celui du Rapport moral prononcé par Alain Vanier, président, à l’assemblée générale d’Espace analytique, le 15 décembre 2019.


L’année écoulée a été comme toujours très active avec ses réussites et ses difficultés. En premier lieu, notons les nombreux séminaires de grande qualité à Paris, en province – Besançon, Caen, Marseille, Montpellier, Nantes, Strasbourg, Toulouse, à l’étranger – Argentine, Belgique, Brésil, Bulgarie, Chine, Géorgie, Liban, Sénégal, et bientôt l’Irlande ; à noter que cette année ont été validées, comme déjà d’autres associations existantes, plusieurs nouvelles associations du réseau international d’Espace analytique. Ces enseignements ont été toujours très divers comme c’est la caractéristique d’Espace, qui assume l’héritage des travaux analytiques de tout le champ freudien de Freud à Lacan et au-delà, « sans exclusive (aussi bien Dolto que Lacan et les Anglo- saxons) » comme l’écrivait Maud Mannoni dans son texte fondateur de 1994.

Ce texte est celui du Rapport moral prononcé par Alain Vanier, président, à l’assemblée générale d’Espace analytique, le 15 décembre 2019.

L’année écoulée a été comme toujours très active avec ses réussites et ses difficultés. En premier lieu, notons les nombreux séminaires de grande qualité à Paris, en province – Besançon, Caen, Marseille, Montpellier, Nantes, Strasbourg, Toulouse, à l’étranger – Argentine, Belgique, Brésil, Bulgarie, Chine, Géorgie, Liban, Sénégal, et bientôt l’Irlande ; à noter que cette année ont été validées, comme déjà d’autres associations existantes, plusieurs nouvelles associations du réseau international d’Espace analytique. Ces enseignements ont été toujours très divers comme c’est la caractéristique d’Espace, qui assume l’héritage des travaux analytiques de tout le champ freudien de Freud à Lacan et au-delà, « sans exclusive (aussi bien Dolto que Lacan et les Anglo- saxons) » comme l’écrivait Maud Mannoni dans son texte fondateur de 1994.

Je relève – comme c’est l’usage je ne cite aucun nom – près d’une dizaine de colloques spécifiquement d’Espace, « Le diable au corps : de l’hérésie perverse au salut par la perversion », « L’Autre et ses représentations », un colloque international « Le symptôme dans la cure », « Psychanalyse/École de Francfort », une journée de l’École de Bayen, un à venir sur Joyce Mc Dougall qui fut l’amie de certains ici, et qui participa à l’un de nos jurys d’associations, etc., etc. À noter que des cycles de colloques se sont mis en place d’un grand intérêt, qui manifestent le lien privilégié d’Espace dans la tradition d’Octave Mannoni et de quelques autres avec les arts, je veux parler des cycles Théâtre et Psychanalyse, avec cette année le dramaturge David Léon, et de Danse et Psychanalyse autour, cette année, de Pina Bausch. On relève aussi plusieurs conférences, un Salon de lecture très dynamique mais un peu encombré car, et il faut s’en réjouir, les membres d’Espace publient beaucoup, salon de lecture articulé à la Bibliothèque d’une richesse dont je ne suis pas sûr que nous en prenions tous la mesure, et qui organise des manifestations ainsi la projection de Pupille de Jeanne Henry (à ce propos il nous faudra faire le point sur nos divers outils de projection).

Les Journées d’études « Politiques du symptôme, symptômes du politique » avec de nombreux intervenants d’Espace et d’ailleurs, comme c’est notre habitude, ont permis d’avancer sur de nouvelles approches de cette notion, la place particulière que Lacan lui a donné au fil de son enseignement mais aussi les formes contemporaines des manifestations symptomatiques. Le problème récurrent des vendredis soir a conduit à les supprimer et à modifier l’organisation en réservant une place plus importante aux ateliers, ce qui permettra d’accroître le nombre d’intervenants. On soulignera aussi un séminaire d’été sur l’objet chez Winnicott, Klein et Lacan, tout à fait remarquable.

Les cartels et groupes de travail, que j’estime fondamentaux dans la vie institutionnelle car Lacan en attendait une problématisation de certains effets imaginaires inévitables de la foule freudienne, « une sorte d’épure de ce qui ne manque pas d’arriver aux grands groupes », se sont largement développés avec succès si l’on en juge par le nombre et les échos. La journée des cartels a tenu ses promesses malgré les difficultés dissuasives de la vie à Paris – les samedis de l’année écoulée qui ont affecté nombre de nos manifestations.

On n’oubliera pas les associations liées à Espace, ainsi l’Association Psychanalyse et Médecine, le Cercle international d’anthropologie psychanalytique, Enfance en jeu, le Groupe arabophone pour la psychanalyse, la Société Médecine et Psychanalyse, ainsi que deux nouvelles associations qui viennent de les rejoindre en septembre dernier, le Centre de Recherche Enfance Adolescence qui vient de se créer dans le midi et Psychanalyse en extension.

Assez récemment nous avons appris avec tristesse le décès de Roger Gentis, membre du CFRP puis d’Espace analytique depuis leur création. Nous sommes plusieurs à souhaiter une journée d’hommage consacrée à ses travaux, à son combat dans le champ de la psychiatrie, journée qui sera d’autant plus importante que la psychiatrie qu’il défendait est aujourd’hui sévèrement attaquée pour son lien à la psychanalyse. On ne peut manquer de s’en inquiéter sérieusement et de prendre position comme le manifeste par exemple le communiqué du Groupe de contact auquel Espace participe.

Pour la suite, il y a d’ores et déjà de nombreux projets. Si nous avons une Formation Médicale Continue, en très grande forme, dynamique et suivie, notre formation permanente ou continue, après avoir bien fonctionné pendant tout un temps, est en sommeil. Une nouvelle équipe s’est constituée pour la relancer, et vous proposera des projets en demandant aux uns et aux autres d’apporter votre concours.

Au plan des publications, la revue Figures de la psychanalyse se porte bien et sa qualité est largement reconnue puisque, sans avoir fait aucune démarche, elle vient d’entrer dans les bases Scopus et SCImago qui recensent les publications scientifiques. La revue va s’étendre à une collection d’ouvrages intitulée « Figures de la psychanalyse » chez Érès. Néanmoins, nous n’avons pas assez de supports de publication, d’où deux nouveaux projets : celui d’une revue en ligne d’une part, mais aussi celui de redonner au courrier bimestriel – qui s’accompagne maintenant d’une nouveauté, la Lettre d’info qui rappelle les événements apériodiques – donc redonner à ce Courrier la fonction qu’il a eu un temps, celui d’accueillir des textes. En effet, s’il est utile de rappeler les informations de fonctionnement, ce courrier est le plus souvent parcouru distraitement et la lecture se résume souvent à l’éditorial. Enfin un autre projet d’importance, lié à l’extension déjà mentionnée du réseau international, celui d’organiser un grand Congrès international, sans doute d’abord à Paris, sur plusieurs jours comme cela a déjà eu lieu, en 2022 ou 2023.

Avant de laisser la parole au débat et à ceux qui ont souhaité intervenir, je veux en venir aux difficultés de cette année, en particulier celles rencontrées depuis la rentrée de septembre, c’est-à- dire à partir du moment où d’aucuns se sont employés à importer dans notre association la crise de Paris 7, ouverte depuis maintenant depuis près d’un an et demi. Or cette crise a donné lieu à une enquête administrative et à des enquêtes judiciaires, soient un traitement par la loi de fautes administratives et de délits, selon des procédures réglées. Pourquoi ne pas attendre les résultats de ces enquêtes, qui pourront, le cas échéant, sanctionner les personnes accusées, pour lancer et relancer des noms de personnes dont certaines ne sont même pas concernées par ces enquêtes (et en oubliant d’autres sérieusement mis en cause) ? User des moyens modernes pour calomnier encore et encore des collègues, en faire des boucs émissaires ? Or, à Espace, aucun de nos membres n’est, pour le moment sous le coup d’une enquête judiciaire, ou l’objet d’une sanction administrative pour des faits qui relèveraient de notre compétence (harcèlement en premier lieu). Alors pourquoi lancer des noms dans une association où analysants et contrôlés font partie de la communauté ? Il en va de la possibilité d’un collectif, de « l’ambiance » nécessaire au travail en commun.

Nous avons toujours fonctionné selon certains principes clairs. D’ailleurs l’essentiel de ce que je peux vous dire a déjà été écrit dans le Communiqué du 20 novembre et dans la Lettre du Bureau du 25 novembre 2019. Mais j’y reviens : « Comment on doit traiter les calomniateurs ? Forcez ceux-ci à devenir accusateurs » écrivait Machiavel, il précisait « Autant la calomnie est funeste, autant l’accusation doit être protégée ». C’est ce que nous avons toujours fait en accueillant et traitant les plaintes qui nous parvenaient. Deux membres d’Espace ont été par le passé sanctionnés pour des fautes graves dans la pratique analytique. Encore une fois nous nous en sommes saisis à la suite de plaintes adressées au Bureau. En effet, la rumeur est funeste car elle ôte toute parole à celui qui en est l’objet, et fait du tiers un réceptacle tout autant réduit au silence.

De plus une association comme la nôtre n’est responsable que des pratiques de ses membres et des conditions nécessaires au travail en commun, elle ne peut pas tout traiter comme ce qui relève de la vie privée de chacun – si cette expression a encore un sens aujourd’hui ! Au-delà des transgressions graves dans la pratique, nous ne manquerions pas de nous saisir de toutes les manières dont un membre d’Espace utiliserait une contrainte objective – ce que la loi qualifie de harcèlement – pour obtenir quelque chose d’un(e) autre contre son gré. Mais cela doit être distingué des effets de transfert.

Je voudrais aussi rappeler quelques points de nos statuts afin de lever une ambigüité actuelle qui tend à constituer le Bureau et le Conseil d’Administration comme une sorte d’Autre tout- puissant. Quand nous, avec Maud Mannoni, avons fait les statuts du CFRP, puis les avons fait évoluer à la fondation d’Espace, nous avons souhaité distinguer deux axes : l’un administratif avec le Bureau et le CA, et l’autre disons scientifique avec le Séminaire des Membres, les jurys et la commission d’enseignement. En temps ordinaire CA et Bureau se réunissent tout au plus deux fois par an. Leur rôle est d’assurer les conditions de possibilité du travail scientifique : gestion des finances, locations des salles, diffusion des informations, etc. C’est un gros travail, entièrement bénévole, qui va jusqu’à occuper un large mi-temps pour certains. Les nominations dans ces instances se sont toujours faites, comme Mannoni l’avait initié, en fonction d’un travail accompli pour l’association et non en devançant les manifestations d’un engagement. Quant au travail scientifique, il est laissé à l’initiative de chacun – membres, analystes praticiens, adhérents et même participants (ex-auditeurs libres). Tout se décide à la commission d’enseignement où sont conviés tous ceux qui enseignent à Espace ou qui ont projet dont ils souhaitent faire part : séminaires, journées d’études, colloques – dans quelle association est-il possible de prendre l’initiative d’un colloque sans qu’il y ait une quelconque instance de censure ? – commission d’enseignement mais aussi autonomie des jurys, du séminaire des membres, etc. Quand il y a une crise, comme c’est le cas puisque le Bureau a été saisi de plusieurs plaintes, le Bureau et le Conseil d’administration prennent, comme la loi des associations « loi de 1901 » et nos statuts le stipulent, les responsabilités qui leur reviennent. Pour le moment aucune procédure n’est engagée, mais une réflexion inédite sur les atteintes à la collégialité.

Pour terminer, nous ne pouvons qu’être heureux, et je m’en réjouis, que les plus jeunes souhaitent s’impliquer un peu plus dans le travail de l’association. Cela rejoint le souci de plusieurs d’entre nous comme en témoigne le fait qu’en janvier 2016 a été décidé d’associer à la responsabilité de la Commission d’enseignement deux analystes praticiens, et un à la Commission d’admission. Quant aux analystes praticiens qui se sont risqués à engager un travail de jury, certains, une fois nommés membres, ont pu être nommés rapidement dans les instances. Donc rien n’est fermé, bien au contraire.

Alain Vanier
Président