Serge Lesourd

Olivier Douville


Serge Lesourd

 

Le psychanalyste et universitaire Serge Lesourd, membre d’Espace Analytique, est décédé au tout début du mois de mai 2022. Professeur à l’Université de Louis Pasteur Strasbourg où il dirigea l'unité de recherche en psychologie : subjectivité, connaissances et lien social puis à l’Université de Nice Sophia-Antipolis, Serge Lesourd a été un théoricien d’importance dans le champ de l’adolescence ce qui le mena également à explorer les configurations de ces nouvelles formes du malaise dans la civilisation dont l’adolescence lui semblait être le « baromètre ».

Avant que de débuter une carrière universitaire brillante marquée par son souci de la transmission et son goût pour l’encadrement des recherches, Serge Lesourd a longuement témoigné de sa préoccupation pour l’enfance délaissée et l’adolescence à risque au sein du Groupe de Recherches et d’Action pour l’Enfance (G.R.A.P.E.) où il encouragea à l’écriture deux autres psychanalystes femmes qui chacune, à sa façon, sut écrire des thèses hardies sur l’enfant en psychanalyse, soit Arlette Pellé et Martine Ménès. Serge Lesourd, toujours porté par des accents de militantisme, était alors (nous étions au cœur des années 1980) un fervent partisan des thèses de Pierre Legendre dont il tentait de faire valoir les arêtes saillantes lors de colloques regroupant une vaste assemblée d’éducateurs et de psychologues que sa fougue et son éloquence faisait frissonner.

On le vit plus tard, à l’aube des années 2000, être un membre fondateur de l’association Le Bachelier que réunit autour de lui Jean-Jacques Rassial. Cet Institut Psychanalytique de l’Adolescence (merci de lire I.P.A.) avait comme objectif privilégié de faire valoir, de plein droit, dans le champ épistémique et la pratique clinique, l’effet d’une théorisation lacanienne de l’adolescence, après que Philippe Gutton ait accueilli avec curiosité et bienveillance ces coups de butoir « lacaniens » dans sa belle revue Adolescence.

J’étais membre fondateur de ce groupe et je retrouvai en Serge un compagnon libre, véhément et travailleur, la flamme que je lui avais connu au GRAPE était intacte.

Il sut continuer les intuitions de certains de ses camarades du Bachelier, et fidèle aux inquiétudes prophétiques qui animaient les écrits et les rares prises de parole de P. Legendre, soucieux de s’orienter avec la théorie des discours de Lacan, ravi de s’essayer à la topologie, il produisit par la suite une série de textes des plus dubitatifs sur l’époque contemporaine tant il redoutait que la modernité néo-libérale n’en vienne à emporter et à ruiner les institutions qui fondent la filiation et la transmission. Redoutant que la confrontation avec le corps propre et ses limites devienne le lieu par excellence de la subjectivation adolescente, il marqua ces plus récents articles d’un pessimisme lucide, mais qui jamais ne sacrifia aux commodités des larmoyantes rengaines déclinistes.

Sans doute, l’accentuation qu’il porta sur le lien entre processus adolescents et rencontre humanisante avec le féminin lui permis de ne pas succomber à ce genre de facilités. Il voyait en chaque adolescent et en chaque adolescente un sujet doué pour le bricolage identitaire et le passage.

On lui doit ainsi le remarquable 3Tentative de sublimation dans les grammaires du sexuel" pari dans le numéro 7 de la revue Figures de la Psychanalyse en 2002.

Serge était un camarade qui finit sa vie dans la plus haute des discrétions et usé par la maladie. Je conserverai de lui l’impression tenace d’un homme de grande sincérité, militant, farouche adversaire dans la disputation. Nous eûmes des différends, de grandes réconciliations, des rires et des espoirs de rendre notre monde plus lucide.

Un ami qui aimait bien la vie s’en est allé.

 

Olivier Douville