Édito

L’association psychanalytique est-elle un « abri » pour la psychanalyse ?

Freud a engagé les psychanalystes dans une association qu’il voulait solide. Son but était de s’assurer que la psychanalyse ait les moyens de remplir sa tâche face à ce qu’il a appelé « le malaise dans la civilisation ». Pour autant Freud n’avait pas grande confiance dans les personnes et avait préféré verrouiller, pourrait-on dire, le fonctionnement de son institution.

Il a créé une association l’International Psychoanalytic Association (IPA), dont la structure est particulière. Chacun y a sa place et chemine selon une hiérarchie rigoureuse, reposant sur la patience et le respect des procédures et des anciens. Mais Freud n’était pas si sûr de cette organisation qu’il mit en place un comité secret avec distribution d’anneaux comme signes de reconnaissance. Ce comité devait orienter la politique de l’IPA dans le monde, s’occuper des publications, essentielles à la diffusion de la psychanalyse, et veiller aux colloques et aux rencontres. Freud avait pensé parer ainsi au risque de détournement de la psychanalyse.

L’association psychanalytique est-elle un « abri » pour la psychanalyse ?

Freud a engagé les psychanalystes dans une association qu’il voulait solide. Son but était de s’assurer que la psychanalyse ait les moyens de remplir sa tâche face à ce qu’il a appelé « le malaise dans la civilisation ». Pour autant Freud n’avait pas grande confiance dans les personnes et avait préféré verrouiller, pourrait-on dire, le fonctionnement de son institution.

Il a créé une association l’International Psychoanalytic Association (IPA), dont la structure est particulière. Chacun y a sa place et chemine selon une hiérarchie rigoureuse, reposant sur la patience et le respect des procédures et des anciens. Mais Freud n’était pas si sûr de cette organisation qu’il mit en place un comité secret avec distribution d’anneaux comme signes de reconnaissance. Ce comité devait orienter la politique de l’IPA dans le monde, s’occuper des publications, essentielles à la diffusion de la psychanalyse, et veiller aux colloques et aux rencontres. Freud avait pensé parer ainsi au risque de détournement de la psychanalyse.

Nous savons que cela n’a pas été sans conséquences. L’organisation a peu à peu dérivé vers ce que Freud caractérisait comme foule secondaire, la procédure rigidifiée prenant le pas sur les enjeux analytiques, et les querelles personnelles, faisant flamber « le narcissisme de la petite différence », avant la théorie et la pratique. Cette vision de la psychanalyse s’en est trouvée aseptisée, malgré un débat qu’on disait ouvert et souvent vif et d’indéniables avancées dans la recherche.

De cette question, Lacan s’est saisi contraint et forcé, la reprenant, en fondant une école de psychanalyse comme « abri et base opérationnelle » pour les psychanalystes. Comme Freud, il n’avait pas grande confiance dans les psychanalystes. Sans doute les connaissaient-ils si bien puisqu’ils et elles étaient ses analysant(e)s : « Je n’attends rien des personnes. » Ce sera donc du fonctionnement qu’il attendra quelque chose.

C’est ce qu’il a réaffirmé au moment de la dissolution de l’École freudienne de Paris. Et pour éviter certains écueils, pensait-il, il a mis au principe de son école le discours analytique et le tranchant de l’acte qu’il implique.

Le discours analytique ne relève pas de la personne du psychanalyste, qui ne fait que le porter. D’où la question insistante de Lacan, avant le vote de sa proposition en 1969 : « Est-ce que la psychanalyse est faite pour l’école, ou bien l’école pour la psychanalyse ? ». C’est bien pour garantir un lieu de travail et d’échanges pour les psychanalystes que Lacan avait voulu une association de psychanalyse, et non une association pour protéger les psychanalystes.

Mais il a été difficile pour ces derniers d’entendre que l’enjeu de la psychanalyse ne passe pas par leurs intérêts. Son école a échoué, car elle a produit effets de groupe et coteries, montrant que le gradus n’avait pas réglé le problème de la hiérarchie, celle agencée par les règlements ayant laissé place à des formes imaginaires tout aussi délétères (manipulation du transfert agençant des groupuscules d’analysants formant des foules primaires passionnées, comme on a pu le voir lors de la dissolution de l’EFP et répétitivement depuis). Il n’y a sans doute pas de solution idéale au problème de l’association de psychanalyse, puisque, manifestement, la cure est de peu d’effet sur l’individu pris dans la psychologie des foules.

C’est pourquoi, en fondant Espace analytique, Maud Mannoni s’est voulue prudente – une vertu pour Aristote comme pour Lacan. Elle souhaitait, avec ceux qui l’accompagnaient dans cette fondation, « la mise en place d’un outil de travail pour les analystes en formation et le retour à la pratique et aux interrogations nées de cette pratique pour tous les praticiens de l’analyse, dont la formation n’est d’ailleurs jamais achevée », et non une école avec des disciples. Pour ce faire, on a distingué ce qui relève de l’administratif et des contraintes sociales du cadre associatif, et ce qui tient au travail des analystes à des fins de transmission de leur expérience, soit fournir les outils utiles à la nécessaire réinvention de la psychanalyse par et pour chacun. D’où une fonction réduite pour le CA (membres nombreux et divers), en charge avec le Bureau de la gestion et des conditions de possibilité matérielles de la vie associative, mais aussi garant des diverses limites nécessaires au fonctionnement (ainsi les manquements à l’éthique analytique, à la collégialité nécessaire à une communauté de travail, etc.).

Et d’autre part, des possibilités autonomes d’initiative et de fonctionnement, indépendantes du CA ou du Bureau, pour tout ce qui relève du travail analytique à travers la commission d’enseignement, réunissant tous ceux qui enseignent ou qui souhaitent proposer quelque chose dans ce sens, et décidant des enseignements et des thèmes des journées. Autonomie du séminaire des membres, des jurys, des publications, colloque laissé à l’initiative de quiconque en manifeste le projet, etc. Ce dispositif n’est certainement pas idéal mais permet qu’Espace analytique reste malgré tout, envers et contre tout, un lieu ouvert, un lieu d’échanges cliniques, de transmission. En d’autres termes, chacun pèse le poids de son investissement dans l’association, ce qui donne une place de choix au désir. Personne n’occupe une place de droit. Il arrive parfois qu’on tente de constituer le CA ou le Bureau comme un lieu de pouvoir obscur avec, face à lui, une foule de ressentiments. Mais, comme toujours, toutes les bonnes volontés sont bienvenues pour aider au fonctionnement. En ce sens il est toujours possible d’apporter des améliorations et faire évoluer le fonctionnement associatif. À cette fin, le CA proposera bientôt une réunion pour continuer le travail collectif qui semble s’engager.