Édito janvier 2021

Rapport moral, 13 décembre 2020

Nous voilà donc tenus de faire cette Assemblée générale dans des conditions inhabituelles, qui, à elles seules, manifestent les difficultés auxquelles notre association a dû faire face ces temps-ci. Je propose de revenir chronologiquement sur cette année écoulée en incluant ce dernier trimestre.

Nous avons commencé l’année sur un moment de crise. Les crises ne sont pas inhabituelles dans la vie des institutions, elles en font partie imparablement. Mais elles ne sont pas nécessairement inutiles. En effet, au-delà des passions tristes qui les alimentent et qu’elles exacerbent, celle-ci a soulevé des questions qui rejoignaient certaines préoccupations que nous étions plusieurs à partager, et a eu quelques conséquences intéressantes, pour ne pas dire inattendues : une reprise du mouvement vers les jurys où se risquaient plus difficilement nos collègues les années précédentes, et des initiatives stimulantes venant de nouvelles personnes. Et puis il y a eu la pandémie, et récemment les décès de membres qui nous étaient chers, qui comptaient à Espace : en quelques jours Moustapha Safouan – qui a non seulement tenu ses derniers séminaires à Espace, mais envers qui notre association est en dette, eu égard aux propositions formulées dans son livre, Jacques Lacan et la question de la formation des analystes, qui ont servi de base à nos statuts –, puis Christian Simatos – est-il utile de rappeler son intérêt inaltérable pour la chose analytique que manifestaient sa présence très régulière à nos diverses réunions et ses interventions toujours très stimulantes, puis Abram Coen, qui a joué un rôle important dans le maintien de la psychanalyse en pédopsychiatrie dans des quartiers difficiles, avec qui plusieurs d’entre nous ont autrefois travaillé.

L’épidémie – l’une de celles qui font l’histoire a pu dire Lacan – a arrêté en cours d’année toutes nos activités, bouleversé nos habitudes, et nous a obligé à nous adapter. Petit à petit, les liens se sont renoués par de nouveaux moyens avec lesquels nous n’étions pas familiers. Les séminaires ont repris en visioconférence, mais aussi les colloques, etc. La diffusion des informations sur nos activités a été assurée, pour celles réservées aux inscrits de l’association, par des lettres internes et par le courrier bimestriel, quant aux lettres d’information, elles ont diffusé à vingt fois plus de personnes ce que nous proposions à Espace et au-delà d’Espace. À ce propos, si vous connaissez des personnes qui souhaiteraient ou que vous souhaiteriez voir informées de nos activités, n’hésitez pas à nous transmettre leur adresses mails.

Rapport moral, 13 décembre 2020

Nous voilà donc tenus de faire cette Assemblée générale dans des conditions inhabituelles, qui, à elles seules, manifestent les difficultés auxquelles notre association a dû faire face ces temps-ci. Je propose de revenir chronologiquement sur cette année écoulée en incluant ce dernier trimestre.

Nous avons commencé l’année sur un moment de crise. Les crises ne sont pas inhabituelles dans la vie des institutions, elles en font partie imparablement. Mais elles ne sont pas nécessairement inutiles. En effet, au-delà des passions tristes qui les alimentent et qu’elles exacerbent, celle-ci a soulevé des questions qui rejoignaient certaines préoccupations que nous étions plusieurs à partager, et a eu quelques conséquences intéressantes, pour ne pas dire inattendues : une reprise du mouvement vers les jurys où se risquaient plus difficilement nos collègues les années précédentes, et des initiatives stimulantes venant de nouvelles personnes. Et puis il y a eu la pandémie, et récemment les décès de membres qui nous étaient chers, qui comptaient à Espace : en quelques jours Moustapha Safouan – qui a non seulement tenu ses derniers séminaires à Espace, mais envers qui notre association est en dette, eu égard aux propositions formulées dans son livre, Jacques Lacan et la question de la formation des analystes, qui ont servi de base à nos statuts –, puis Christian Simatos – est-il utile de rappeler son intérêt inaltérable pour la chose analytique que manifestaient sa présence très régulière à nos diverses réunions et ses interventions toujours très stimulantes, puis Abram Coen, qui a joué un rôle important dans le maintien de la psychanalyse en pédopsychiatrie dans des quartiers difficiles, avec qui plusieurs d’entre nous ont autrefois travaillé.

L’épidémie – l’une de celles qui font l’histoire a pu dire Lacan – a arrêté en cours d’année toutes nos activités, bouleversé nos habitudes, et nous a obligé à nous adapter. Petit à petit, les liens se sont renoués par de nouveaux moyens avec lesquels nous n’étions pas familiers. Les séminaires ont repris en visioconférence, mais aussi les colloques, etc. La diffusion des informations sur nos activités a été assurée, pour celles réservées aux inscrits de l’association, par des lettres internes et par le courrier bimestriel, quant aux lettres d’information, elles ont diffusé à vingt fois plus de personnes ce que nous proposions à Espace et au-delà d’Espace. À ce propos, si vous connaissez des personnes qui souhaiteraient ou que vous souhaiteriez voir informées de nos activités, n’hésitez pas à nous transmettre leur adresses mails.

Tout, donc, a peu à peu repris avec des contraintes incessantes, parfois imprévisibles. Mais ce qui ne nous détruit pas nous renforce, n’est-ce pas ? Les Journées d’études ont été filmées – il était difficile de faire autrement, d’autant qu’une semaine avant leur tenue, est tombée l’interdiction des réunions. À en juger par la fréquentation du film, nous avons rempli l’amphi ! Elles ont apporté des choses précieuses pour éclairer cette notion mythique selon Freud, cette fiction, a pu dire Lacan, qu’est la pulsion. D’autre part, on notera aussi cette année plusieurs colloques de grande qualité : Danse et psychanalyse, Art lyrique et psychanalyse, sur Joyce Mc Dougall, sur l’écriture, mais aussi en association avec Passages et l’Espace des Femmes Antoinette Fouque, tout récemment sur les frontières, etc., j’en oublie certainement, nos collègues me le pardonneront. La Formation médicale continue s’est poursuivie malgré ces difficultés, abordant cette année, après les phobies, l’actualité en traitant de la Psychopathologie en temps de pandémie. Le séminaire d’été au début de l’année écoulée a été une réussite, tout comme la récente Journées des cartels, cartels et groupes de travail de plus en plus nombreux à en juger par la liste impressionnante publiée dans un récent courrier. Notre bibliothèque a même maintenu une présence malgré les circonstances, et le Salon de lecture se poursuit, sa dernière tenue vient d’être mise en ligne sur le site. Enfin, last but not least, ce tour d’horizon au galop doit mentionner les nombreuses publications issues de nos inscrits, et, en particulier, notre revue avec deux numéros de grande qualité, et la naissance d’une nouvelle collection attenante chez Érès.

Les associations liées à Espace ont aussi été actives, je pense au colloque « Au-delà du principe de plaisir » organisé par Psychanalyse en extension, d’autres comme la SMP, ou le CIAP ont des colloques tout prêts avec un beau programme mais ont préféré les repousser pour pouvoir les tenir quand ce sera possible en présence, enfin l’APM prépare un Cerisy d’importance. Nous sommes heureux d’annoncer que le CRIVA, le Cercle de recherches international Voix-Analyse rejoint les associations liées à Espace. À noter enfin que nous nous associons à l’Institut contemporain de l’enfance que Bernard Golse est en train de créer, « une petite Tavistock clinic à la française ».

Enfin, le réseau d’Espace analytique s’est élargi cette année et compte maintenant 10 associations (Argentine, Belgique, Brésil, Bulgarie, Chine, Géorgie, Irlande, Liban, Maroc et France)

Nous allons continuer en améliorant les moyens auxquels nous avons eu recours et avec lesquels nous nous sommes peu à peu familiarisés, et qui n’ont pas que des inconvénients car ils ont permis à des personnes résidant en province ou à l’étranger de participer à des séminaires ou à des colloques qui ne leur auraient pas été accessibles autrement. C’est pourquoi, lorsque le retour aux travaux en présence sera possible, nous continuerons pour la plupart à utiliser ces moyens comme suppléments. Il nous faudra aménager les lieux pour cela, avec des écrans permettant des échanges avec ceux qui sont loin. C’est ce que nous ferons dans les nouveaux locaux que nous sommes en train de chercher – tous les concours spontanés sont les bienvenus.

J’ai commencé en évoquant notre dette à l’égard des propositions de Moustapha Safouan, il n’est pas inutile d’en rappeler certaines. Je les ai toutes lues lors de la journée d’hommage, je n’en retiens que trois pour aujourd’hui :

• « Un principe où s’affirme l’autonomie des analystes : écarter toute forme institutionnelle qui prétendrait donner corps à l’Autre-tiers. » C’est la pente difficilement évitable des institutions, la glue imaginaire, qui pousse à susciter du Un, à se grouper autour d’un Un, qu’il soit incarné, qu’il soit un nom propre, qu’il soit un corps de doctrine, un mode de lecture unique auquel tous sont tenus d’adhérer. Maud Mannoni a toujours tenu à ce que cette place demeure vide à Espace, c’est cela qui fait que nous ne sommes pas tenus d’être tous lacaniens et pas de la même manière, et que, pour que ceux qui se reconnaissent dans cette référence, les lectures, les interprétations, les accents peuvent heureusement différer, mais aussi les approches de Freud, de Ferenczi, de Klein, de Winnicott etc. C’est la condition qui rend possibles des échanges critiques pour autant que la formation analytique n’est pas une initiation, mais une possible ré-invention. Nous nous sommes tous choisis des personnes qui, un temps, nous ont ouvert des portes, nous ont permis d’articuler quelque chose de l’expérience qu’aucune approche théorique n’épuisera jamais. Pouvons-nous supporter d’être ensemble des « épars désassortis » ?

• « Un principe de critique interne et externe : quiconque exerce une fonction s’engage du même coup à faire partie d’un collège ayant pour but d’analyser l’expérience commune de cette même fonction » quelle qu’elle soit : bureau, CA, membre d’un jury, d’une commission, de l’organisation d’un colloque ou autre, etc. C’est un des enjeux du séminaire des membres, et si nous avons par moments quelque difficulté à nous y mettre, il nous faut être attentifs à ne pas l’oublier, malgré ces mouvements imparables d’ouverture et de résistance qui nous traversent ;

• « Un principe qui pare à l’inflation administrative : rien ne doit être entrepris dont l’initiative ne vienne des analystes eux-mêmes. » C’est pourquoi nous avons séparé un axe administratif qui gère les conditions de possibilités matérielles du travail, où s’engagent ceux qui peuvent consacrer du temps à cette tâche souvent ingrate, d’un axe scientifique, analytique où l’initiative – séminaires, colloques, etc. – appartient à chacune et à chacun quel que soit son mode d’inscription dans Espace, à la condition d’accepter de présenter son projet à la commission d’enseignement, lieu de travail critique mais non de censure, suivant un principe « on ne demande pas la parole, on la prend » !

De nouveaux venus nous rejoignent en nombre, une des bonnes nouvelles de cette rentrée, et malgré les difficultés diverses qu’ont provoqué les confinements successifs – problèmes de santé, soucis financiers entre autres – qui ont touché de nombreux praticiens, cela ne les a pas découragés. J’ai tendance à penser que c’est cela qu’ils viennent chercher, un lieu sans assujettissement autre que celui des contraintes nécessaires et consenties pour constituer un collectif de travail porté à l’enthousiasme.

Alain Vanier

Vice-Président

Ce numéro du Courrier est accompagné d’un supplément qui regroupe les textes du colloque “Les effets paradoxaux du Covid19” et ceux de l’hommage à Moustapha Safouan.