Louange, l’enfant du placard, psychothérapie analytique d’un enfant autiste

Christine Bouyssou-Gaucher, Penta Éditions 2019
Lecture de Marie-Pierre MANSUY

Cet ouvrage est le récit de la cure analytique d’un enfant autiste adressé par l’école maternelle au CMP de son secteur à l’âge de 3 ans 1/2.

Il y arrive dans un état de déconstruction psychique, on devrait même dire de non-intégration. Il est submergé par la tyrannie pulsionnelle, ravagé d’angoisses archaïques, dans un chaos et un repli autistique, sans enveloppe corporelle ni psychique, sans langage ni représentation.

 

C’est l’histoire d’un travail analytique qui va durer 6 ans. Ce que Louange peut accepter de l’Autre au commencement, c’est la voix chantée et c’est ainsi que Christine Bouyssou-Gaucher établit un contact avec son patient.

 

C’est une histoire de transfert nourri de l’observation et de l’engagement corps et âme de cette psychanalyste, mais c’est aussi l’histoire de sa vie psychique contre-transférentielle, grâce à l’analyse de ses propres mouvements qu’elle nous livre avec justesse et pudeur. On assiste à la co-création d’un monde commun, d’un espace potentiel dans lequel l’enfant va trouver un holding physique et psychique pour accomplir la tâche d’intégration  de son moi, et accéder au processus de séparation individuation.

 

C’est l’histoire de la construction d’une subjectivité.

Mois après mois, une réparation psychique ouvrira à la construction du moi de l’enfant et à l’alliance d’un psyché-soma, grâce à la mise en place de petits îlots relationnels, par la voix puis par le corps. Louange va progressivement accepter de rencontrer l’Autre après avoir réussi à se soustraire à son regard dans le refuge du placard qui sera pour lui une possibilité sécurisante pour commencer à se rassembler, puis il deviendra un élément du jeu. Une entrée en relation avec l’Autre du langage l’amènera à occuper sa place dans la relation pour un jour pouvoir dire Je.

 

Louange consentira à se faire objet de l’autre, réaménageant son image inconsciente du corps, construisant un dedans/dehors, un soi et un non-soi et creusant un écart intersubjectif pour se lancer dans la périlleuse aventure du devenir sujet. C’est le récit d’un mouvement vers la perception de l’objet comme total et vers l’appropriation de soi.

Le lecteur est témoin de l’entrée dans la symbolisation par l’utilisation de l’objet qui cessera d’être un objet autistique pour devenir transitionnel (la petite voiture rouge) et l’espace potentiel ouvrira à la fin de cette aventure sur un espace culturel. Louange va poursuivre sa scolarité en classe Ulis, il bénéficiera d’une prise en charge en CATTP puis en IME et intégrera le collège en classe spécialisée.

La musique, élément contenant entendu à l’église fréquentée par la famille et premier élément accepté et partagé avec son analyste le conduira à entrer au Conservatoire pour jouer de la flûte. En parallèle il engagera son corps dans une activité sportive, section athlétisme.

 

Cette histoire n’aurait pu être ce qu’elle est sans un accompagnement offert aux parents de Louange.

 

Christine Bouyssou-Gaucher fait de nombreuses références aux analystes qui l’ont guidée dans son travail. Henri Rey-Flaud et Monique Schneider, Jean-Claude Maleval, mais aussi Lacan, Genevieve Haag et Wilfried Bion.

Elle cite bien sûr le travail de Freud, celui de L’Esquisse, ceux sur la pulsion, le Nebenmensch, la Bejahung et la Négation.

Et elle accorde une large place à Donald Winnicott et ses paradoxes, à l’expérience de l’omnipotence, à la capacité d’être seul, comme aux phénomènes transitionnels et aux ressorts formidables du playing...

On est invités à entrer de plain-pied dans le bureau où Louange s’est hissé avec beaucoup de courage et de détermination à une position de sujet avec les troubles autistiques qui sont les siens, mais de sujet avant tout.

La préface est signée par Pierre Delion.